dimanche 20 juillet 2014

FLIGHT 282, premier EP d'Atanaz

Le leitmotiv à la mode est de dire que la musique se consomme au détriment de se savourer. La musique se rapproche donc de la saveur d’un bon KFC plutôt qu’un restaurant étoilé jusqu’aux couverts. La musique se dévergonde, son écoute aussi. Il est question d’évolution, diront certains. Une démocratisation totale de cet art qui permet à nous – mélomanes ou  néophytes – d’avoir un éventail infini de choix, chaque matin, en écoutant de la musique dans les transports, lieux publics ou privés. Une régression pour cet art, nous diront d’autres. En effet, pour eux, écouter un album en 30 minutes puis passer à autre chose n’est qu’autre qu’un sacrilège...

« Partager en deux comme ta montre à 12h30 » Atanaz - A l’ombre de mon commencement 

A l’heure de la 4G, les minutes passent avec une telle vitesse qu’être en retard de quelques secondes sur la sortie du nouveau Booba deviendra bientôt « chuck* (ringard)». Lors de mes premières années de fac (2006), je débattais tous les jours avec un ami sur le meilleur son du Carter II de Lil’ Wayne. Fireman, Receipt, Feel me, on ne s'est jamais mis d'accord. Effectivement, un an après sa sortie, on écoutait encore et encore cet album qu’on estimait sous-évaluer à l’époque. Une hérésie, de nos jours !

Offrir plus que de la musique

La recette est, certes importée des Etats-Unis mais son efficacité est universelle. Une mixtape pour un artiste en devenir est la première pierre (précieuse) de son héritage musical. Là encore, les données ont changé. Le téléchargement gratuit vulgarise le « art » d’artiste. Comme si le seul fait de télécharger légalement et gratuitement de la musique, excluait le fait d’être un vrai artiste. De nos jours, la préparation d’une mixtape donne lieu à une réelle recherche, une réelle introspection pour donner une idée de soi à son public. La mixtape ou EP ou encore projet est sérieusement concoctée avec un visuel d’une qualité avérée. Un pré-projet, un délire, un « amuse-oreille» est même proposé pour lancer la sortie de l’EP. Je décris en ces quelques mots la stratégie de Dolerean Music, le label d’Atanaz, jeune rappeur aux origines afro-caribéennes qui bombarde mon casque depuis bientôt trois semaines. "Hmmmmmmmm, t'emballe pas" nous disait Ata dans le premier freestyle de Carte d'Embarquement. Bah si, il y a de quoi s'emballer la mif'. 

Après quatre vidéos freestyles (HD) en guise de carte d’embarquement, ATA nous offre un vol aller-simple sans issues de secours dans son univers. Les passagers à bord du vol Flight 282 embarquent dans un pêle-mêle d’émotions, de cœur, de couleurs, de beaux jeux de mots. Le pilote de Flight est muni d’une plume acérée, un discours optimiste sur des instrus joyeusement mélancoliques. « Un bob posé sur la tête, fuck les strass et les paillettes, je suis là pour kiffer, kicker, qu’ils aient quitté ma planète », une voix entrainante, des punchlines intelligentes et un flow léché avec tantôt un léger accent des Dom Tom lorsqu’il pousse la chansonnette.

En période de canicule, la track éponyme de l’album vous donnera envie de « troquer le métro parisien pour les plages de Miami ». Littéralement. On est bercé pour la nonchalance que nous transmet le son. Au pire, un transat, ton casque et tu poses à Paris plage pour apprécier la vibe. Posey. La métaphore météorologique se filera lorsqu’il s’agira d’ « Amour et Haine ». Lorsqu’Atanaz chante « Fini le mauvais vent » on pense à appeler des potes avec qui le courant ne passait plus.

« Les déceptions confirment les règles » Atanaz – L’espoir                

J’ai un faible pour le flow à la « Good Life, à la cool, à la Carpe Diem ». C’est le son que je préfère de la tape. Il est joyeux, entrainant, tout simplement hip hop avec des lyrics censés. Jouissif  dans une époque où Jul – rappeur marseillais aussi maladroit au micro que Brandao face à des accusations de viol – est disque d’or en deux mois. « Nos idées noires sont brillantes mais la joie parait vacillante …» un son d’avant-party, un « enjaillement» musical en solo comme accompagné. L’EP d’Atanaz est une belle surprise et confirme un peu la tendance imposée avec Carte d’Embarquement. Dans l’air du temps, il touche un peu à tout, et touchera certainement beaucoup de monde. Les demoiselles auront surement un faible pour « Amour et Haine » qui est complètement un son à câlins. « Zim Zimma who got the keys to my bimma » paraphrasant Beenie Man dans le dernier titre de son projet. Atanaz conclut sa copie sur une ouverture très réussie. Le morceau contient des guest talentueux qui sont Lory Ferrand, Rik, Def J, Darshana Congrève et Digital Fracture pour la touche dubstep. Un bouquet final qui nous laisse très confiant pour l’avenir.    

Quand la musique est bonne….il faut prendre mal grave son temps en patience...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire