mercredi 2 juillet 2014

CdM: Le Mondial 2014 de la Côte d’Ivoire, le bilan 1/3

Si le football est une religion, la superstition serait son de ballon rond.  Par superstition, il faut comprendre une croyance injustifiée à des présages tirés d’évènements matériels fortuits. Talismans, habitudes, fétiches, amulettes…tous les prétextes sont acceptables lorsqu’il s’agit du rectangle vert. Bien que naturellement allergique aux gris-gris, j’arborais mon maillot de la Côte d’Ivoire à chaque match depuis notre première victoire un 15 juin 2014 face au Japon (2-1). J’ai crié, sauté, dansé et tombé en voulant improviser la célébration de Didier et Gervinho lors du succès contre les Samouraïs. J’étais persuadé par la suite que ce fut grâce à mon maillot que nous avions remporté ce match. Et si c’était cela la magie du football ? Croire que notre petite personne perchée à 10 000 km de la Coupe du Monde puisse influer sur le résultat d’un match ? Hélas, j’ai porté ce maillot les deux matchs suivant en vain…

Pour la troisième participation en phase finale de Coupe du monde, les Eléphants étaient dans un groupe « ouvert » avec la Colombie, la Grèce et le Japon. Pour rappel, en 2006 Didier Drogba avait 28 ans contre l’Argentine de Riquelme et les Pays Bas de Van Bommel. En 2010, il en avait 4 de plus face au Brésil de Luis Fabiano et au Portugal de Cristiano Ronaldo. En 2014, le groupe était ouvert… mais ouvert comment ?  

La « génération dorée » celle des académiciens de Guillou et du franco-ivoirien Didier Drogba n’a jamais rien gagné. Elle est « maudite » depuis la CAN 2006. La superstition se nourrit d’échecs et de victoires. Lorsqu’il y a plus d’échecs que de victoire, on parle de malédiction. « Une génération maudite en sélection »; les compères de Didier Drogba n’ont jamais pu gagner lorsqu’ils étaient attendus. Les raisons de ce malheur continu paraissent aussi incohérentes que le nombre de sélectionneurs de la « Séléphanto ». 

« Défendre les intérêts moraux et matériels du foot ivoirien »

Dans un monde où le football est un vecteur de la politique, il est de facto soumis aux aléas de celle-ci. Jusqu’à présent, il m’est difficile de comprendre comment fonctionne l’élection  du président de la Fédération Ivoirienne de Football. Pourtant, j’ai passé du temps sur le dudit site. Ce que j’ai compris en filigrane et d’après les dires des rues d’Abidjan, est que tous les présidents de la FIF ont un lien plus ou moins étroit avec le régime au pouvoir. N’oublions pas la puissance du football, surtout dans les pays divisés où une bonne performance de l’équipe nationale permettrait d’entrevoir une éventuelle union nationale. « C'est la victoire qui peut amener  la paix » des paroles qui trouvent écho dans la bouche de tous les joueurs ivoiriens. 

Depuis 2006, Didier Drogba et les siens jouent plus qu’un match de football sur le terrain. La Côte d’Ivoire est composée de plus d’une soixantaine d’ethnies. La guerre civile de 2002 a divisé le pays en deux. Le Nord majoritairement musulmans et le sud chrétien. Cette équipe est imperméable à une telle dichotomie en théorie. Elle est composée de différentes ethnies et religions, des joueurs du sud et du nord, elle est le dernier rempart contre les pourfendeurs de la devise ivoirienne. Elle est l’épitomé d’une utopique réconciliation nationale qui tarde à venir. L’image de cette équipe est symbolique. En dépit des réels problèmes d’égos, de personnes qui phagocytent tout vestiaire, le but de cette équipe dépasse le chemin des filets. 

Depuis Zambakro en 2002, les déceptions ivoiriennes ont fait de leurs supporters des Mazos. Des masochistes prêts à soutenir leur équipe en oubliant systématiquement les déboires passés. La Fédération Ivoirienne de Football a trouvé le bon filon. Donner un nom à chaque revers, plus précisément celui d’un sélectionneur. Une manière de rendre hommage à la destruction créatrice  chère à Joseph Schumpeter. La Fédération Ivoirienne de Football - dont le bilan du Mondial 2014 est aussi attendu que l’album « Detox » du Docteur D.R.E – a mollement jeté la faute sur l’arbitrage pour expliquer son élimination prématurée de ce groupe « ouvert ». Son président Sidy Diallo, « grand artisan de la victoire de la CAN 1992 » selon sa biographie, nous a promis un rapport d’activités et une prise de responsabilité à tous les niveaux. Restons sobres, le dernier rapport d’activités d’après le site de la FIF date du 18 février 2007
La prise de responsabilité s’est souvent manifestée par la décapitation en bonne et due forme du sélectionneur national. Le seul poste où il est impossible de faire carrière en Afrique et cela malgré la corruption. 

En définitive, le fiasco de 2014 est imputable à la Fédération Ivoirienne de Football, elle n’a absolument  pas « défendu les intérêts moraux et matériels du football ivoirien » pendant cette compétition, ce qui est pourtant son rôle. Elle est coupable aussi de donner une image opaque de sa fonction. L’opinion moyenne est de penser que la FIF est « une mafia filiale » de « la mafia mère » (FIFA) qui a comme rôle de se remplir au maximum les poches au détriment "des intérêts moraux et matériels du foot ivoirien". Réformez ! Qu’il soit question d’avoir plus de clarté dans cette intuition, ne serait-ce qu’en ce qui concerne les élections et nominations des membres constitutifs de la fédération. Expliquez-nous à la fois vos choix de sélectionneur et leur salaire. Je dois avouer que la Côte d’Ivoire fut exemptée de la mascarade qu’ont connue nos voisins africains au sujet de primes. Une ridicule consolation dans ce bilan morose qui rappelle que les échecs restent tout d’abord pyramidaux. 

« Cabri mort n’a pas peur de couteau » Serge Kassy 

Comment assurer une cohésion dans une sélection en changeant d’entraineur ? La valse biennale des sélectionneurs des Eléphants n’est peut-être qu’une simple question de superstition. « Mais le problème n’est pas qu’il démissionne. Le problème, c’est que nous sommes encore là, nous. Les entraîneurs viennent, puis s’en vont. Nous, nous subissons les déceptions chaque année » réagissait Gervinho à l’annonce de la démission de Sabri Lamouchi. 

Le choix de nommer Lamouchi à la tête des Orange a surpris tout le pays et sa diaspora. Inexpérimenté Sabri Lamouchi n’a jamais pu compter sur le soutien à la fois des supporters et des médias qui tançaient à répétition sa virginité internationale. Lamouchi a fait des choix durant ses deux ans. Il a écarté Emmanuel Eboué au profit de Serge Aurier. Il a intronisé Bony Wilfried en tant que successeur de Didier Drogba. Il a viré Seydou Doumbia et Lacina Traoré pour Mattis Boly et Gionvani Sio. Il n’a pas appelé Romaric et a préféré misé sur la jeunesse de Diomandé. Seuls choix payants furent Aurier et Bony. A cela, certains répondent qu’il s’agit d’évidence. Aurier étant le meilleur latéral de la ligue 1 et Bony le meilleur buteur de Swansea se seront imposés quel que soit le sélectionneur. Certes, il faut tout de même reconnaître cette prise de risque. Sur le plan tactique, il n’a pas révolutionné le jeu ivoirien. En prenons, le Mondial 2014 comme témoin, on arrive à ces conclusions-ci. Fébriles en défense, les Eléphants nourrissent toujours ce bel oxymore. Malgré la présence de Serge Aurier, le secteur défense reste sous Lamouchi le talon d’Achile de la bande à Barry. Le style de jeu des Eléphants a l’air d’osciller selon l’humeur des joueurs. La qualité technique de certains est intrinsèquement indéniable mais la circulation du ballon notamment de la défense vers l’attaque est périlleuse. Tioté et Dié n’ont pas eu le dépassement de fonction qu’exige leur position et ont à tour de rôle offert des buts aux équipes adverses. Le choix de titulariser Bony Wilfried était frileux. A défaut de lui accorder une réelle confiance, Lamouchi laissait penser qu’il le faisait jouer par défaut. Comme si, Bono jouait parce que Didier Drogba n’avait que 30 minutes dans les jambes. Quid de sa non-titularisation contre la Grèce ? Le positionnement de Yaya Touré sur le terrain fait encore débat dans les écoles de football. A quel poste jouait Yaya Touré pendant le mondial aurait été une question valant un million « à qui veut gagner des millions » ? Il ne s’agissait plus d’une carte blanche accordée au meilleur milieu de terrain au monde mais d’une immunité présidentielle. 

Lamouchi n’a pas donné l’impression d’être un réel leader. Son manque d’expérience s’est ressenti lors du match couperet perdu face à la Grèce. Les entrées de jeunes pousses tels que Diomandé et Giovani Sio dans les dernières minutes d’une qualification historique, était le coup de fouet de trop pour un masochiste orangé.  Pourquoi ne pas laisser « Dahizoko » sur les dernières minutes de jeu  surtout que l’on connait sa qualité dans les duels aériens, la seule arme des Grecs ? Kalou ne courait plus depuis le début du match, pourquoi faire sortir Gervinho, alors que ce dernier était celui qui en voulait le plus ? 

Quelques minutes après, la sortie par la petite porte de la Côte d’Ivoire, Sabri Lamouchi chantait Serge Kassy dans les coulisses du Fortaleza. « Cabri mort n’a pas peur de couteau ». (Fiction) 

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