lundi 20 janvier 2014

Noah, universellement drôle !


Trevor Noah est un talent pur. Un des génies du stand-up sud-africain et africain en général. Un père suisse allemand. Une grand-mère cajoleuse. Un humour malin, intelligent et fédérateur qu’il détient grâce à sa mère, noire et zulu. L'influence afro-américaine. 


Trevor est né en plein apartheid en 1984. Il s'est construit grâce à sa mixité familiale, qui lui octroya une vision tolérante du monde qui l’entourait. Une fois adoré dans son pays, après une série télé (Isidingo) et une émission de radio (Noah’s Ark), il présentera successivement un programme d’éducation, de gossip et de sport. En 2007, il arrête tout et se concentre amplement sur sa carrière de comique. Il côtoie la scène locale et à la chance d’ouvrir pour des stars internationales comme le canadien Russell Peters lors de sa tournée sud-africaine. Il bûchera longtemps. Remplir n’importe quelle salle était son objectif, être sur toutes les scènes dont le Blacks Only Comedy Show, Heavyweight Comedy Jam, le Cape Town Tour, le Jozi Comedy Festival, et Bafunny Bafunny. Enfin reconnu comme un talent émergent, le présentateur des South African Music Award 2010, voyait ses deux spectacles (The Daywalker et Crazy Normal) sortis en DVD, connaitre une certaine popularité. Fort de ce succès, il s'exporta aux Etats-Unis (Hollywood) puis à Londres (BBC4). Cosmopolite est un euphémisme pour décrire celui qui s'inscrit dans l'histoire comme le premier comique sud-africain au Tonight Show présenté par Jimmy Fallon.

Noah est une perle rare, le comique africain le plus universel. Ses qualités ? Une précision suissesse dans l’accouchement de ses vannes, une description vivante et visuelle de ses péripéties impensables et une ambiance chaleureusement palpable. Il incarne à lui-seul le mythe du « melting-pot ». Entre les coliques et orgasmes de rires, Trevor réfléchit avec les siens sur le sort de la Nation de Mandela d’à peine une vingtaine d'année. D'une « voix confidentielle » et d'un ton sérieux, il exhorte les jeunes noirs de sa génération et les sud-africains en général, à aller de l’avant, se souvenir de l'apartheid - qui fut le combat de leur parent - tout en cherchant leur propre combat à mener. Expliquant d'ailleurs le rôle du B.E.E (Le Black Economic Empowerment) qui a pour objet de réparer les inégalités subséquentes à l’apartheid. L'analogie qu'il affectionne beaucoup est de dire que le B.E.E est aux Noirs ce que les lames de carbone sont à Oscar Pistorius, pas un avantage mais une manière d'être au même niveau que les blancs. (It's My Culture)



Il décrit minutieusement les stéréotypes fidèles à chaque population, chaque race (colorée, blanche et indienne) de son pays. Le racisme est la trame de ses spectacles. Avec une finesse divine, il se positionne comme l'arbitre des rendez-vous racistes. Chirurgical dans son observation, lorsqu'il explique que la colère n'excuse point une insulte raciale et que la stupidité ou la cupidité d'une personne d’une couleur donnée ne condamne pas une race entière. Une sensibilité qui transpire un humanisme fédérateur. (That's Racist)

Il a un style qui le rend unique, un stylo fait de nuance. Il est nuance. Il opère adroitement dans cet interstice étroit où l’humour défie l’ignorance. Il prend le temps de connaître son sujet avant de l’émietter en ridicule, le démolir pour mieux en rire. Tout est gris sous le paradigme Noah et tous les clichés trouvent à qui parler. Mi-street, mi-classe il se décrit comme tel car il a vécu dans les Township de Soweto et depuis peu dans les quartiers riches de Jo 'Burg. 

Autour de son fil conducteur arc-en-ciel, il tricote du politiquement incorrect. Il a un faible pour la politique sud-africaine, un puits sans fin de vannes. Il s’attaque au président, à ses ministres, à la politique du gouvernement avec un regard biaisé. Tout n’est pas rose mais tout n’est pas noir. Prônant la critique constructive, il n’hésite pas à clamer les bienfaits du Mondial 2010 ne serait-ce que au niveau de l'infrastructure. En outre, il brode des souvenirs de son enfance qui parlerait à n’importe quelle personne ayant grandit en Afrique. Bien que, certains thèmes et termes (en zulu) sont réservés aux initiés, pendant ces minces hiatus d’incompréhension, on admire l’étendue de son héritage, de son patrimoine.
 
Noah captive et maîtrise ses chutes. Pendant cinq minutes, il ne respire plus. Il tient son sujet et son public en otage. Un débit emprunté, une vanne filée à son paroxysme pour clôturer le show avec panache. Une combinaison de blagues toujours plus drôles que les précédentes, dans ces moments où le texte du professionnel se marie à l'improvisation de l'artiste, son génie est manifeste. A la fin du spectacle, une fois relâché, le public hilare souffre gaiement du syndrome de Stockholm. De Durban (KwaZulu-Natal) à Johannesburg, des Etats-Unis à la Grande-Bretagne, Trevor Noah confirme mon constat. Il est universellement drôle ! 

Trevor Noah - Melbourne Comedy Festival

A voir impérativement : 
It’s my culture (2013) 
That’s racist (2012) 
Crazy Normal (2011)
The Daywalker (2009)



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