dimanche 2 mars 2014

Gervinho, le funambule d'Abobo !

Gervinho et Rudi Garcia à Lille !
Gervinho est au sommet de son art. Un art modeste, véloce, vivace, confus, généreux et étrangement efficace - qui renait dans la capitale italienne. Trop fort  pour la ligue 1, trop juste pour la Premier League, il est trop pour la Série A.

Quand vous avez comme leitmotiv dans la vie « joues et tais-toi », il n’est pas incohérent d’avoir le même débit de paroles que Zinedine Zidane. Pour être plus clair, Gervais Yao Kouassi est un gars réservé. La seule touche d’extravagance dans sa chaleureuse personnalité est cette coupe de cheveux approuvée uniquement par ses anciens acolytes d’Abobo, quartier du nord d’Abidjan. D’ailleurs, ses parents y résident toujours et observent de loin la carrière du cadet de la famille diplômé dans le cassage de reins.

A Dioulabougou comme on dit là-bas - à cause de la forte représentation des Dioulas dans les environs - tout le monde joue au ballon et pour se faire repérer faut être au-dessus du lot. Gervais Yao Kouassi l’était. Son explosivité lui vaut un tour à l’Ivoire Académie de Jean Marc Guillou. Le refrain de sa jeune carrière a été « les enfants s’amusent » que ce soit à l’Asec Mimosas, chez les Agriculteurs Beverenois ou sous le maillot sarthois. En dépit de son style de jeu perfectible, « le Jaguar » faisait sauter les défenseurs de ligue 1comme du plakali sans pour autant s’affirmer comme un joueur décisif. C’est à Lille qu’il se découvrit des talents de buteurs. Maladroit, malchanceux et altruiste, il avait pour habitude de travailler sur son côté, créer une brèche puis servir un coéquipier. En 115 matchs dans le Nord il a inscrit 42 buts lors de ses deux saisons sous les ordres de Rudi Garcia, son papa blanc.  

Les joueurs africains ont la réputation de fonctionner à l’affectif. Un constat aussi plat que dire que les joueurs européens sont plus professionnels que leurs compères. Issu d’une très grande famille (4 sœurs, 4 frères) et avec des parents très protecteurs, Gervinho a toujours eu besoin d’une relation intime pour être en confiance. Le numéro 27 ivoirien de 27 ans né un 27 (mai 1987) n’échappe donc pas à ce malheureux adage. Entre son coach et lui, il existe une réelle relation père-fils qui ne connait aucune frontière. Gervinho rayonne de nouveau sous Garcia et séduit même l’épitomé de l’AS Rome. « Gervinho ? Je l’avais vu deux ou trois fois avec Arsenal, mais de près, c’est une bête ! Si sa santé ne le trahissait pas, il serait de la trempe de Cristiano Ronaldo et la Roma ne l’aurait jamais eu ! » Francesco Totti.

Le carbonado toujours aussi brut

"La différence entre la Roma et Arsenal ? Le coach. A Rome, mon entraîneur, Rudi Garcia, me fait confiance, il croit en moi. Quand je me lève le matin, je prends du plaisir à venir m'entraîner. Je suis impatient tous les jours. Je pourrai dire que mon succès actuel, je le dois à l'Italie mais ce n'est pas exactement ça. Je vis très bien à Rome, la ville est fantastique, mes coéquipiers sont merveilleux, les tifosi sont passionnés. Au final, il n'y a pas beaucoup de différences par rapport à l'Angleterre. Ma vie n'a pas changé depuis que je suis en Italie. Qu'est-ce que j'ai appris à Arsenal ? Honnêtement, pas grand-chose. C'est difficile d'apprendre quoi que ce soit quand on est en permanence sur le banc des remplaçants. J'ai quitté les Gunners car je ne jouais pas suffisamment." Une déclaration à la fois naïve et véridique de la part de l’ancien académicien, qui reprend le thème de confiance susmentionnée. L’asymétrie de son propre bilan à l’école Wenger est liée au joueur qu’il est. Il n’a rien appris à Arsenal car il ne peut pas comprendre ce qu’il avait à y apprendre. Son style de jeu n’est pas l’antithèse du jeu d’Arsenal mais presque. La technique est à l’honneur chez les Gunners. La technique. La technique, la seule inconnue absente dans son équation footballistique si on y inclut dans celle-ci la vision de jeu. Limité dans ce domaine, il n’a pas pu se greffer aux exigences d’Arsèn(e)al.

« La Gervance » est un véritable ailier à qui on demande de déborder, de fatiguer son vis-à-vis et d’offrir au moins deux occasions de buts par match à son attaquant. Vu comme ça, il est l’un des meilleurs à son job. L’évolution du ballon rond, la retraite de Marc Overmars ou encore le nombre d’abdos de CR7 nous ont obligés à redéfinir ce poste. Je n’arrêterai jamais de le dire, l’ailier à l’ancienne est mort. Dorénavant, il y a que des attaquants au front. C’est là que le bât blesse. C’est là que Gervinho n’a pas progressé. Il n’a pas l’âme d’un buteur mais celle d’un percuteur opportuniste. Ce n’est pas un tueur mais une gâchette, trop souvent lent à la détente au moment crucial.

Le sommet des sommets !
Déroutant de facilité, imprévisible de vivacité, l’atout majeur de la star ivoirienne est la profondeur. Il y avait Inzaghi né hors-jeu, aujourd’hui il y a le funambule ivoirien qui cours sur la ligne du hors-jeu. «La Freccia Nerra  (la flèche noire) » ne surprend plus ni par sa vitesse ni sa capacité à marquer des buts d’anthologie. Il est dans son rôle. La polyvalence est un luxe et non une commodité pour tous les footballeurs. A force de regarder que les cracks, on a tendance à traiter de nul un joueur incapable de singer ces derniers. Gervinho est l’un des meilleurs ailiers au monde. Si la précision de ces centres longs ne respirait pas la finesse anglaise, celle de ces centres courts – sa spécialité- est bien un modèle du genre. Soyons précis, il est l’un des meilleurs ailiers mouchoir de poche au monde. Un diamant rare et brut que l’on a du mal à polir.

Il ne s’est pas amélioré depuis son passage à l’Emirates Stadium comme je l’entends parfois. Non, il est au summum de ce qu’il sait faire. Il est en confiance et au top de sa forme physique. En effet, l’international ivoirien est l’un des atouts majeurs de l’As Rome avec 5 buts et 6 passes décisives après 20 matchs. Néanmoins, il a toujours de gros déchets dans le jeu (plus précisément dans la transmission) et une qualité de frappe aléatoire. Une marge de progression notable pour le meilleur ivoirien d’Europe après Yaya Touré. D’ailleurs, ses compatriotes l’attendent de pied ferme au Brésil en juin prochain. Une tout autre affaire à suivre…



Pour aller plus loin:

(15 :45) La confiance fuit Gervinho au moment de tirer un penalty décisif lors de la finale de la Coupe d'Afrique. Rudi où étais-tu ?
Emission “Fair Play” avec Gervinho. Immersion dans l’univers de l’international ivoirien.
Plakali est un plat ivoirien apprécié par Gervinho et une danse

        

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